L'utilisation d'appareils « piégés » ayant l'apparence d'objets « inoffensifs » pourrait constituer un « crime de guerre », a dénoncé vendredi le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, devant le Conseil de sécurité où le Liban a accusé Israël de « terrorisme ».
« Le droit international humanitaire interdit l'utilisation d'appareils piégés ayant l'apparence d'objets inoffensifs », a déclaré Volker Türk lors d'une réunion demandée par l'Algérie après l'explosion simultanée cette semaine de bipeurs, talkies-walkies et autres appareils de transmission du Hezbollah au Liban. « C'est un crime de guerre de commettre des violences destinées à propager la terreur parmi les civils », a-t-il ajouté. « La guerre a des règles », a-t-il martelé, appelant pour une enquête « indépendante, rigoureuse et transparente ».
« Cibler de façon simultanée des milliers d'individus, que ce soit des civils ou des membres de groupes armés, sans savoir qui est en possession des appareils concernés, de leur localisation et de leur environnement au moment de l'attaque, viole le droit humanitaire international et, le cas échéant, le droit humanitaire international », a-t-il insisté. « Il est ainsi difficile de concevoir comment, dans ces circonstances, de telles attaques pourraient être conformes aux principes clés de distinction, de proportionnalité et de précaution ». « Ces attaques représentent un nouveau développement dans la guerre, où les appareils de communication deviennent des armes (...). Cela ne peut pas être la nouvelle normalité », a-t-il lancé.
De son côté, la secrétaire générale adjointe de l'ONU aux Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a indiqué qu'après les explosions d'appareils de communication du Hezbollah mardi et mercredi, les échanges de tirs tout au long de la Ligne bleue montraient « des signes inquiétants d'escalade ». Elle a aussi noté qu' « à ce jour, le gouvernement israélien n’a fait aucun commentaire officiel sur ces développements ». « Le risque d’une nouvelle expansion de ce cycle de violence est extrêmement grave et constitue une grave menace pour la stabilité du Liban, d’Israël et de toute la région, » a-t-elle averti, exhortant toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à protéger les civils, tout en appelant les États membres influents à agir de manière décisive pour empêcher une nouvelle escalade.
« Terrorisme »
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, qui avait fait le déplacement, s'en est, lui, directement pris à Israël, qu'il a qualifié d' « Etat voyou ». « Faire exploser à distance des appareils de communication de façon collective, sans aucun égard pour ceux qui les portent ou qui est autour est une méthode de guerre sans précédent dans sa brutalité et sa terreur, ciblant des milliers de personnes d'âges différents vaquant à leurs occupation dans leurs maisons, dans la rue, à leur travail, dans les centres commerciaux, est tout simplement du terrorisme », a-t-il déclaré.
« Nous ne sommes pas des amateurs de guerre ni de vengeance. Nous exigeons la justice, une solution diplomatique et le retour des personnes déplacées dans leurs villages », a encore plaidé le chef de la diplomatie libanaise. « Il est désormais clair qu'Israël ne respecte pas le droit international et humanitaire, ni les résolutions des organes de l'ONU », a-t-il poursuivi, appelant les membres du Conseil de sécurité de l'ONU à « soutenir le Liban dans sa quête de sécurité et de stabilité ». M. Bou Habib a également prévenu que « toute nouvelle aventure israélienne au Liban pourrait aboutir à une guerre régionale de grande ampleur et sans précédent ».
« Au lieu de nous accuser, nous votre voisin pacifique, vous devriez prendre des mesures maintenant » contre le Hezbollah, a répondu l'ambassadeur israélien Danny Danon. « Si vous continuez à ignorer l'agression du Hezbollah, vous aurez la responsabilité de la souffrance du peuple libanais », a-t-il ajouté, assurant qu'Israël ne voulait pas un « conflit plus large » mais seulement « protéger » ses citoyens.
Interrogé devant la presse sur la responsabilité éventuelle d'Israël dans les attaques aux bipeurs, il a indiqué ne pas vouloir faire de commentaire. « Mais je peux vous dire que nous ferons tout ce que nous pourrons pour cibler ces terroristes », a-t-il ajouté.
Œuvrer pour une désecalade
Le représentant de la France auprès de l’Onu, Nicolas de Rivière, a mis en garde contre « le risque d’une guerre ouverte et aux conséquences potentiellement dramatiques qui s’accroît chaque jour ». « Il est urgent que toutes les parties travaillent à une désescalade », a-t-il plaidé, appelant les « autorités israéliennes à faire preuve de la plus grande retenue, après leurs déclarations récentes sur leurs opérations militaires au Liban ». « Nous rappelons aussi notre exigence que le Hezbollah cesse immédiatement ses attaques contre le territoire israélien », a-t-il ajouté.
Avant la réunion, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU a de son côté appelé à la « retenue maximale » de toutes les parties. « Nous sommes très inquiets de l'intensification de l'escalade autour de la Ligne bleue (ligne de démarcation définie par l'ONU entre le Liban et Israël), y compris la frappe meurtrières aujourd'hui à Beyrouth (en référence à la frappe quelques heures avant le Conseil sur la banlieue sud qui a ciblé le chef de l'unité al-Radwane, Ibrahim Akil, tué avec plusieurs autres combattants du Hezbollah). Nous appelons toutes les parties à la désescalade immédiatement. Tout le monde doit faire preuve d'une retenue maximale », a déclaré Stéphane Dujarric.
Après les explosions mardi et mercredi des appareils de transmission utilisés par des membres du Hezbollah, qui ont fait 37 morts et 2.931 blessés, les échanges de tirs se sont intensifiés depuis jeudi entre l'armée israélienne et le Hezbollah, mouvement islamiste soutenu par l'Iran.